Echo du Domaine, novembre 2017 – Côté Cave

Chers amis bonjour,

Une des actualités agricoles du moment met en relief la molécule de désherbage glyphosate, j’aimerais apporter mon témoignage de paysan à ce sujet.
Au début des années 80, quand je me suis installé, la société Monsanto sortait son désherbant « roundup » (dont la substance active est le glyphosate). C’était la révolution dans le monde agricole : une molécule chimique propre (aucun résidu), sélective (on ne détruit que ce que l’on touche) et aucune herbe ne lui résistait et cela de manière définitive (fini le chiendent, ronce et autre cauchemar des cultivateurs). De plus, elle était sans danger pour la santé … Bref un produit alors très cher mais qui apportait au final des solutions économiques rentables à tel point que certains vignerons se sont mis à désherber chimiquement la surface totale de leurs parcelles. La SNCF s’est même mise à l’utiliser pour désherber ses voies, les collectivités faisaient les talus etc.…
Il y a quelques années la molécule est tombée dans le domaine public. Du coup, même si Monsanto continue à la produire de manière massive, d’autres fabricants peuvent le faire. Résultat, les prix du produit se sont effondrés et on retrouve du glyphosate en vente importante dans toutes les jardineries pour les particuliers.
En parallèle, il y a une dizaine d’années, les premières résistances apparaissent : des herbes créent des défenses à la molécule et les vignerons qui avaient opté pour un désherbage 100 % glyphosate commencent à réduire les zones d’application.
Puis arrivent les dérives… Monsanto crée une souche de soja génétiquement modifiée en y introduisant des gènes de pétunia qui résistent à la molécule de glyphosate.
Quelle application me diriez-vous ?
Il se trouve qu’au Brésil, pays grand producteur de soja (et ailleurs !), les paysans sèment cette culture de soja puis laissent tout pousser (plantes et toutes les herbes) et après quelques semaines de croissance pulvérisent du glyphosate sur la culture parfois par épandage aérien : tout est détruit sauf le soja !!
Vous allez dire c’est au Brésil donc c’est leur problème … sauf que depuis l’épizootie de la vache folle le seul apport protéique autorisé pour les volailles est végétal donc le soja. Résultat des courses des importations gigantesques de soja depuis le Brésil… pas génial…
Et puis voici que les laboratoires d’analyses savent maintenant retrouver les traces du glyphosate dans l’eau et dans nos organismes. Et malheureusement, ils en trouvent un peu de partout, certes à petite dose, mais tout de même.
Certains spécialistes disent que ce produit est suspecté d’être cancérigène, d’autres affirment le contraire, bref on ne sait plus que penser ; et il se parle d’interdiction. Certes, mais d’autres herbicides existent et ne sont pas menacés d’interdiction aujourd’hui alors qu’ils sont classés toxiques, le risque est donc de voir le glyphosate remplacé par « ??? ».
Les fabricants de matériel agricole ont bien compris les enjeux et sortent des matériels de plus en plus innovants pour permettre de travailler mécaniquement l’ensemble des parcelles de vigne avec une bonne compétitivité.
Chez nous à Terre de Mistral, nous avons dès la création du domaine eu l’envie et la démarche de prendre soin au maximum de notre environnement et de nos voisins. Par conséquent, nous avons adopté une agriculture en lutte raisonnée depuis vingt ans*. Mais au vu de tous les éléments que je viens de vous exposer, notre réflexion a évolué et nous avons finalement pris la décision d’abandonner totalement le désherbage chimique. Cette décision nous impose une modification mais le défit nous a semblé tout à fait accessible.
Il faut tout de même avoir conscience que pour bon nombre de paysans, un changement de pratique n’est pas simple, mais la prise de conscience collective est là et l’évolution ira certainement dans le bon sens.

Serge

*Lutte raisonnée : elle consiste à utiliser les produits chimiques à bon escient et en dernier recours. Autrement dit, le bon produit, la bonne dose avec le bon appareil au bon moment. Elle a donc pour effet de diminuer de manière significative l’utilisation des produits phytosanitaires.

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